Intimité·s

La newsletter sexo de Slate, par Laure Dasinieres

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Par Slate France
11 juil. · 5 mn à lire
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La pénétration anale masculine, ou la possibilité d'un lâcher-prise émancipateur pour les hétéros

Tabou et négativement connoté pour beaucoup, le plaisir prostatique chez les hommes hétéros peut avoir quelque chose de franchement libérateur pour eux et pour leurs partenaires.

Dans la série Drôle sortie sur Netflix en 2022, l'humoriste Aïssatou Gambarré, incarnée par Mariama Gueye, rencontre le succès grâce à un sketch sur le plaisir prostatique. Elle y dit en un peu plus de deux minutes toute l'ignorance des couples hétéros autour de cette pratique. Une ignorance à laquelle se mêle le tabou et la gêne, tous deux nourris de siècles et de siècles par la sexualité patriarcale et hétéronormée. Voici la retranscription de la séquence.

«Je voulais juste vous parler d'une petite conversation que j'ai eue avec mon copain l'autre soir. On reparlait un petit peu des meilleurs moments de notre relation. On n'a pas su se dire si le moment le plus fort, c'est le jour où on s'est dit qu'on s'aimait ou le jour où je lui ai mis un doigt dans le cul pour la première fois. Ça l'a rendu tellement heureux. Moi, je ne comprends pas pourquoi on a autant attendu. Avec mon mec, on est quand même partis en Thaïlande avant d'aller dans son cul. Pourtant, ce n'est pas du tout le même budget. Après, tu me diras, c'est quand même plus facile à mettre sur Instagram.»

«Je pense qu'on ne l'avait jamais fait avant parce qu'on n'était pas au courant que c'était aussi bien. On ne parle pas du plaisir prostatique. Il n'y a personne qui nous dit comment faire. Même moi, au début, j'étais perdue. […] Je ne savais pas comment faire. Je ne savais pas comment m'y prendre. C'est quand même une expérience. C'est comme quand tu mets tes doigts entre les coussins d'un canapé en cuir pour aller choper la télécommande. Sauf qu'il n'y a pas la télécommande. Enfin, normalement, sinon, c'est chelou.»

«Nous, les femmes, on n'a pas l'habitude de pénétrer l'autre. Ça ne fait pas partie de notre éducation sexuelle. Je veux dire, mon mec, le lendemain, je lui ai dit: “Alors, chéri, ça va? Tu as bien aimé?” Il m'a dit: “Qui êtes-vous, madame?” J'ai cru comprendre que vous aviez une gêne avec ça, les gars, parce que vous aviez peur de passer pour des gays si jamais vous avouiez que vous aimez ça. Mais ce n'est pas un doigt dans les fesses qui va définir votre identité sexuelle. Votre identité sexuelle, elle est dans votre cerveau. Et alors, pour atteindre le cerveau en passant par là, je peux vous dire, personne n'a le doigt assez long.»

Le fait même que ce sketch existe, que le ressort comique soit précisément la pénétration anale d'un homme par une femme est assez signifiant en soi, tout comme le fait que le compagnon de l'humoriste soit tourné en ridicule. Ce qui se passe dans la salle où l'humoriste se produit est également intéressant. Des gens se lèvent et s'en vont, d'autres sourient avec un air gêné.

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